Vous j'en sais rien.
Je sais pas comment vous êtes vous, mais moi j'ai toujours eu ce qu'on appelle communément la scoumoune du taxi.
Bon peut-être qu'on n'appelle pas ça comme ça mais je m'en fous, on va voter pour savoir si on appelle la scoumoune du taxi la scoumoune du taxi.
Alors levez la main ceux qui veulent qu'on appelle la scoumoune du taxi la scoumoune du taxi puis levez la main ceux qui ne VEULENT PAS qu'on appelle la scoumoune du taxi la scoumoune du taxi.
Voilà, tout le monde lève la main, l'on va donc nommer la scoumoune du taxi la scoumoune du taxi.
C'est important la démocratie.
Impliquer le citoyen. Lui faire prendre part aux décisions les plus importantes. La carotte pour les votants, le bâton pour les abstentionnistes, le vote à main levée secrète, la vraie démocratie quoi.
Et pour des raisons de simplification, le deuxième tour est reporté au premier tour. Voilà. Tonton pow wow a toujours LA solution.
La scoumoune du taxi disais-je.
L'autre jour, pour la première fois depuis longtemps, j'ai dû prendre un taxi. Pour des raisons fonctionnelles, je ne pouvais pas prendre ma voiture, c'était une question de fonctionnelle. Des fois j'ai la fonctionnelle flageolante.
Je me mets donc dans une file de gens qui attendent un taxi. Je vois les gens qui attendent les uns après les autres, et les taxis qui arrivent pour prendre et gerber la bidoche à l'endroit voulu. Il faisait beau, il fait toujours beau dans mes histoires. Les oiseaux chantent et la mer clapote contre les bateaux dans le port. J'avais envie de placer le verbe clapoter au présent de l'indicatif et je n'avais dès lors guère d'autres solutions que de situer mon histoire près d'un port, parce que des oiseaux qui clapotent ça marche pas, ou le soleil qui clapote c'est mauvais signe (tous aux abris), ou les gens qui clapotent en attendant le taxi c'est suspect. Bien qu'il faisait hyper-chaud et les gros, quand il fait chaud, ça clapote de quelque part si t'écoutes bien. Entre les fesses ou sous les bras, y a du clapotage. Donc bon oui mais voilà.
Les voitures arrivant les unes après les autres affichaient une carrosserie rutilante, des proportions imposantes et un luxe certain d'apparence, ce qui laissait présager un confort optimal pour ses passagers. Soit dit en passant. Et c'est rassurant quelque part, l'on sait qu'on va payer un bon prix mais qu'on va se faire remuer le gras d'un point A à un point B dans une situation de parfait confort. C'est top moumoute.
Ci-dessus un taxi de bonne facture, carrosserie rutilante, proportions imposantes, ce qui laisse présager un confort certain pour ses passagers, le coup classique serais-je tenté de dire. Le gras du cochon est en de bonnes mains. C'est important le bel écrin pour le pigeon.
Les gens devant moi disparaissaient au fur et à mesure, et surtout au fur, puis vint mon tour, j'avasi * déjà très chaud.
*En vrai c'est pas "j'avasi", c'est "j'avais", j'ai fait cette coquille car je tape souvent trop vite sur mon clavier, et là j'ai pas le courage du tout de corriger la coquille, ça prendrait un long moment, on perdrait un temps fou, c'est pourquoi je décide de laisser cette coquille en l'atat **.
**En vrai c'est pas "en l'atat",
c'est "en l'état", j'ai fait cette coquille car je tape souvent trop vite
sur mon clavier, et là j'ai pas le courage du tout de corriger la coquille, ça
prendrait un long moment, on perdrait un temps fou, c'est pourquoi je
décide de laisser cette coquille en l'ztat ***.
***Oh et puis merde.
Et oui donc, c'est là qu'intervient ce que nous nommons désormais d'un commun accord après décision collégiale, la scoumoune du taxi.
Quand vient mon tour, je retiens mon souffle, j'espère voir arriver le carrosse rutilant qui me fera prendre, le temps d'une course, pour Cendrillon. Un beau Cendrillon bien gras et bien poilu qui sue comme un cochon, dieu que l'image est belle. C'est ça aussi le charme des belles histoires de tonton pow wow, transformer le tout à fait banal en épopée du Beau.
Bref.
J'attends, l'angoisse au ventre. Porsche? Mercedes? Audi?
Que nenni mes amis, lorsque mon tour arrive, je vois arriver une sorte de truc comme ça, à CHAQUE FOIS:
Je suis celui qui tombe systématiquement sur le ringard de la corporation, la honte de la profession, la dernière race avant le crapaud comme disait ma grand-mère.
Vite, en une fraction de seconde, je décide de me retirer de la file, prétextant un truc hyper-ultra-urgent à faire, comme donner un coup de fil ultra-urgent à un grand de ce monde qui ne peut pas attendre, comme mon banquier, le directeur de la FED par exemple, pour demander si mon chèque sans provisions est bien passé malgré les détecteurs de pauvres.
Je m'écarte donc de la file, l'oreille collée au téléphone, l'air super-affairé et faisant signe aux autres de passer devant moi, c'est pas grave j'attendrai le suivant, faisant semblant de passer un appel important en parlant un anglais impeccable pour donner l'illusion parfaite:
-Yes, hello mister, i'd like to would to know if my check without provisions has been bien encaissed or if you have some detectors of poor people. I am poor but i will be largely wealthy in a few weeks after playing loto, you can be sure. The life of my mother.
Je suis hyper-bon en subterfuge.
Malheureusement, dura lex sed lex, je reprends la file après mon faux coup de fil parfaitement imité et lorsque vient mon second tour, selon la loi d'airain de la scoumoune du taxi, voilà ce qui arrive spécialement pour moi, ou à peu près:
Je peux pas lutter.
En plus ma femme ne m'a même pas soutenu et pire, m'en a fait le reproche:
-Mais pourquoi t'as pas appelé, on serait venu te chercher!
-Maiiis...parfois j'aime me sentir comme un gen important, alors je rêve d'un chauffeur. Il y a plein de gens bien qui ont un chauffeur, je connais des gens très bien comme des gens de l'aristocratie en perruque et en poudre qui ont une belle voiture rutilante avec un chauffeur, alors ça toi évidemment tu ne comprends pas mes amis!
-Mais quels amis? Tu connais qui au juste qui a une voiture avec un chauffeur, j'aimerais le savoir!
-Oui eh bien euhhh...des gens très bien comme des gens à la télé, ça t'en bouche un coin hein? Comme par exemple je connais trèèès bien Inès de la Fesse d'Ange, c'est une très bonne amie à moi!
-Fressange. Tu racontes n'importe quoi.
-...Meuhhh non, Fressange c'est la fausse, le sosie. La vraie c'est comme j'ai dit. Toi tu confonds avec Jean-Pierre Mortier, notre boulanger. Je connais très bien aussi Michel Bruckner, le gars de la télé le dimanche, c'est un vieux pote figure-toi.
-C'est soit Michel Drucker soit Pascal Bruckner, tu te mélanges les pinceaux en racontant des conneries.
-Faux! Michel Bruckner c'est leur fils aux deux! Alors tu vois hein, c'est moi qu'a gagné!
-N'importe quoi hein, tu en connais beaucoup d'autres des célébrités contrefaites?
-Beuhhh eh l'aut'! Je connais aussi des gens très bien au sommet de la politique, comme François Babouin ou Nordine Romano par exemple! Je t'ai pas attendue pour rencontrer des gens très bien hein!
-Tu sais que tu es désolant hein. J'abandonne.
Cette femme est pathétique, à s'enfoncer de la sorte dans ses mensonges et ses fantasmes. C'est surtout triste pour nos enfants, d'avoir une mère si fragile psychologiquement.
En attendant, je rêve qu'un jour un charme rompe la loi de la scoumoune du taxi pour qu'enfin, je puisse afficher une mine satisfaite: