Vous avez sans doute vu cette affaire dans les médias, de cette femme handicapée en fauteuil roulant pleurant devant les caméras, parce qu'elle s'est faite débarquer d'un avion de la très humaine et très smart compagnie EASYJET. Ah, c'est qu'ils sont embêtés chez EASYJET, le patron au téléphone a bien tenté de s'excuser, de compatir, de rassurer mais bizarrement, on n'y croit pas une seconde à ce repentir.
Faut dire que les handicapés dans la société, c'est un vrai handicap. Pour nous bien sûr, la frange de la société bien portante. Tout est fait et conçu pour nous, et c'est normal au fond, c'est nous qui faisons avancer la société. Et on n'a pas de temps à perdre. Déjà qu'un obèse ose se dire qu'il est légitime qu'il ait le droit de prendre l'avion comme tout un chacun, oui mais mon petit Monsieur, on le répète assez, insidieusement peut-être, tous les jours partout tout le temps, que vous n'êtes pas dans la norme, vous le voyez bien quand même, à la télé, dans les magazines, vous n'êtes pas comme nous. Dans les magasins, vous peinez à trouver des vêtements à votre taille, cela devrait vous faire réagir. Et la seule case dans laquelle on veuille bien vous reconnaître, c'est comme consommateur, je veux dire de nourriture, parce que de ce point de vue vous êtes un bon client. Pour le reste, vous voyez bien que vous êtes encombrant.
Ce n'est pas pour rien que Christophe Barbier, un grand penseur contemporain, ait impeccablement analysé et démontré à tous que si vous êtes obèse, c'est en grande partie de votre faute. Vous vous laissez aller, vous n'avez pas de volonté, vous vous goinfrez sans penser à ce que vous allez coûter à la société, médicalement parlant. Si tout le monde faisait comme vous cher Monsieur...
Quant à vous Madame, vous conviendrez qu'on ignore la raison pour laquelle vous êtes dans un fauteuil roulant, peut-être est-ce votre faute, peut-être rouliez-vous un peu trop vite un jour, l'alcool aidant, après tout, qui nous dit que votre état n'est pas dû à une certaine désinvolture?
Alors comprenez qu'une compagnie aérienne puisse vous refuser de voyager, vous embarque puis finalement vous débarque au prétexte que vous n'êtes pas accompagnée. Comprenez qu'en cas d'urgence, il ne se serait sûrement pas trouvé quelques bonnes âmes et bonnes volontés pour vous sortir de là comme les autres, les gens sont devenus tellement indifférents. On se demande bien pourquoi d'ailleurs, ils sont pourtant baignés au quotidien dans des valeurs de respect, d'entraide, de compassion et d'humanisme, tout le monde vous le dira. Alors nous pensons que non seulement vous risquiez pour vous-même en cas d'incident, mais peut-être auriez-vous mis en danger la vie d'autres personnes, il était du devoir de cette entreprise de ne pas mettre en péril ce vol.
Et que voulez-vous, c'est un fait indéniable, vous les handicapés, vous ralentissez tout le monde. Vous cassez le rythme de la société, et la société a besoin d'aller à toute vitesse aujourd'hui. Si la société ralentissait et se mettait à réfléchir, à penser à l'autre, à se remettre en question, on tuerait la sacro-sainte com-pé-ti-ti-vi-té. Ah ça c'est un mot qui vous échappe, n'est-ce pas? Et si on avait envie, nous les biens portants, de ne plus réfléchir, de ne plus se rendre compte que nous ne sommes déjà plus des êtres humains, que nous ne sommes justes devenus que des coûts de production et des bénéfices à court terme dans le monde globalisé qu'on nous a vendu? Et si on avait envie de foncer dans le mur, et à toute vitesse en plus, sans rencontrer des obstacles comme vous, y avez-vous pensé? Pourquoi croyez-vous qu'on ait mis au pouvoir des dirigeants qui cassent les valeurs de la République, qui cassent la valeur du travail, qui démembrent les institutions, qui précarisent les travailleurs, les retraités et les chômeurs, qui stigmatisent et catégorisent les populations? Vous pensez vraiment que c'est pour mieux nous occuper de vous?
Mais ne pensez-vous donc qu'à vous, Madame?
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En l'absence de la Kro de Korkos, voici ma contribution à l'intégralité de vos éphémères rides, cher Pow wow...
Complainte du pauvre corps humain (Jules Laforgue)
L'homme et sa compagne sont serfs
De corps, tourbillonnants cloaques
Aux mailles de harpes de nerfs
Serves de tout et que détraque
Un fier répertoire d'attaques.
Voyez l'homme, voyez !
Si ça n'fait pas pitié !
Propre et correct en ses ressorts,
S'assaisonnant de modes vaines,
Il s'admire, ce brave corps,
Et s'endimanche pour sa peine,
Quand il a bien sué la semaine.
Et sa compagne ! Allons,
Ma bell', nous nous valons.
Faudrait le voir, touchant et nu
Dans un décor d'oiseaux, de roses ;
Ses tics réflexes d'ingénu,
Ses plis pris de mondaines poses ;
Bref, sur beau fond vert, sa chlorose.
Voyez l'Homme, voyez !
Si ça n'fait pas pitié !
Les Vertus et les Voluptés
Détraquant d'un rien sa machine,
Il ne vit que pour disputer
Ce domaine à rentes divines
Aux lois de mort qui le taquinent.
Et sa compagne ! Allons,
Ma bell', nous nous valons.
Il se soutient de mets pleins d'art,
Se drogue, se tond, se parfume,
Se truffe tant, qu'il meurt trop tard ;
Et la cuisine se résume
En mille infections posthumes.
Oh ! Ce couple, voyez !
Non, ça fait trop pitié.
Mais ce microbe subversif
Ne compte pas pour la Substance,
Dont les déluges corrosifs
Renoient vite pour l'Innocence
Ces fols germes de conscience.
Nature est sans pitié
Pour son petit dernier.
En l'absence de Kro de Korkos,... Frida Khalo
"Et la seule case dans laquelle on veuille bien vous reconnaître, c'est comme consommateur, je veux dire de nourriture, parce que de ce point de vue vous êtes un bon client."
Pas forcément, justement.
@sgd, grâce à vous je découvre Jules Laforgue et ses poèmes sont très forts, je trouve. Merci et n'hésitez pas à en poster d'autres! :o)
@Mébahel, oui c'est vrai que les obèses ne sont pas tous des gros mangeurs mais dans les émissions de merde où on les présente (genre chez Evelyne Thomas), l'obèse c'est le mec qui ingurgite douze pizzas et vingt kilos de cassoulet par jour. Si si, j'ai vu ça souvent.
Merdeuuuuhhhhh à cause de cette pub crétine là ca fait 2 fois que je perds mon comm.. je retente une dernière fois.
C'est sûr que ce genre d'émission 'de merde' présente ça... pour que ce genre de présentation cesse, et renvoyer les gens à un certain voyeurisme, une idée: faire poser sur la porte des ouaoua une pancarte ainsi libellée:
c'est ici que tombent en ruine
les chefs-d'œuvres de la cuisine.
Ca calme:-)
Bon ben @si est bloqué cet après-midi, ce qui me redonne l'occasion de venir chez son petit frère.
Tu as bien fait de créer ce blog, l'ami ^^
Belle chronique.
Essaie de postuler chez DS, je ne serais pas surpris qu'à la lecture de tes billets, il considère sérieusement ta candidature.
En plus, tu as déjà des adeptes :-)
@Mébahel, c'est beau, la poésie digestive! ;o)
@Fan, mouais n'exagérons rien tu veux, et puis pour avoir un mot de DS, faut être sur Facebook.